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mardi 29 novembre 2016

Polaris

Les Kabyles clean en file indienne.

Les paroles du terroir : y eǧa-id jedi avarnus, avarnus id y eǧa vav-as (mon aïeul/grand-père m’a légué son burnous (blanc), qu’il a hérité lui-même de son père). Vous ne connaissez ou ne reconnaissez pas cette chanson et son auteur ? Normal, c’est très old school.

http://i0.wp.com/www.kabyles.com/wp-content/uploads/2016/03/Hommes-en-burnous.jpg?fit=630%2C350
Avarnus dit Burnous est notre thème du jour. Le burnous blanc est l’équivalent du casier judiciaire vierge. Cette toge en laine est portée par les hommes, la femme ne le porte qu’une seule fois : le jour de son mariage comme symbole de sa pureté, de sa virginité. Le burnous blanc est surtout la marque déposée du Kabyle clean, un homme intègre et net. On le revendique comme une (bonne) réputation héritée des aïeux, humbles certes mais dont la probité est irréprochable. Il existe aussi un burnous brun-marron dit axitus/akhitous, porté rarement et qui n’est pas « tout à fait kabyle » car il n’est qu’un vêtement sans aucune « valeur morale ajoutée ». Notons que la région arabophone des steppes à vocation pastorale de Djelfa – une région avec laquelle la Kabylie a tissé plutôt de bonnes relations soit dit en passant – a aussi bien conservé la tradition du burnous, et c’est très bien, mais sans aucune dimension identitaire ni de revendication de probité comme c’est le cas chez les Kabs.

On ferait bien de nous pencher sur l’étymologie de avarnus/burnous. Voici donc mon hypothèse à ce sujet. On l’a dit dans le billet précédent, les sons L et R, qui sont très souvent confondus dans plusieurs langues, ne vont jamais ensemble en kabyle. C’est la règle, avec ses exceptions comme ifirles (hirondelle) ou les mots altérés alarmi (jusqu’à) altération de almi (jusqu’à) ou lorsqu’il s’agit d’emprunt comme avelar (pot en verre/cristal) de beloura (cristal) en masri-arabe ou de termes commun au kabyle et l’argot nordaf comme belaredj (cigogne). L’adage « qui se ressemble s’assemble » ne marche pas en kab, pour L et R en tout cas)) On a donc supposé que pour un mot réunissant L et R ensemble (le nom Carlos par ex.), sa forme kabyle sera autre avec le L ou R altéré en H (le nom Khal, Akli ?). Mais il y a une autre possibilité pour « faire sauter » soit le L (surtout) ou le R dans les mots les réunissant : le R avale le L et, parfois, prend une forme emphatique. C’est d’ailleurs sur cette formule que repose notre hypothèse sur l’origine étymologique de avarnus/burnous..

Voici la réponse en image (ci-dessus).
 

Voici deux autres éléments allant dans le même sens : l’étranger et Ainsi va le monde de Dda Lounis. 

Maintenant les explications :
VRN/BLR sous une forme éclatée = VLRN/BLRN
 

Autrement dit le burnous est polaire :
1. Avarnus/burnous = polaire+ ? ~ Ours polaire (blanc) : ceci nous amène à supposer que le kabyle axitus/akhytos (burnous brun-marron) pourrait avoir un lien avec le grec arktos (ours) qui a donné arctique. On voit que les anciens savaient parfaitement que les pôles avaient une calotte blanche, « vierge » comme la couleur et la signification sociale du burnous et de l’ours blanc (polaire) ;


2. VRN de vren (tourner, torsion) en kabyle indique bien que les anciens avaient intégré cette notion de la Terre qui tourne autour de son pôle (aka ith vern dunith), longtemps avant « E pur si muove ! » de nos voisins d’en face. C’est aussi la marque de la notion d’Etoile polaire (Polaris) ou un repère-guide qui indique le Nord. Si l’on se demandait maintenant quelle serait l’origine de tha-vernin-t (robinet d’eau), une « source/fontaine polaire » ou la Grande Ourse ou la Petite Ourse  ? ;


3. VRN/BRN de a-veRani, abeṛani en kabyle, beṛani en argot nordaf pour « l’étranger » aurait probablement pour équivalent latin (en romanes) Pèlerin. Ce terme averani/berani (étranger) kab et nordaf tout comme le nom de avernus/burnous (toge blanche) pourraient refléter le nom d’une étoile polaire d’une époque précise ou les noms des étoiles composant les constellations proches du pôle, la Grande ou Petite Ourse par ex. Ainsi, l’étoile nommée Kochab pourrait, qui sait, s’apparenter à la Kachabia, thaqeshavith en kab, y a la dejallaba aussi :)) ;


4. /VR/ ou /BR/ serait une racine de polarisation donc vru (divorcer, lâcher, fru-séparer), peut-être que l’vreq en kab, al-barq en masri-arabe pour « éclair, foudre » (dans le nom Barca, Hannibal) feraient référence à l’aurore boréale et plus largement à la polarisation de la lumière, comme si le Prisme devenait Polarisme. Donc c’est un indice très ancien de connaissances scientifiques nordafes : le pôle est aussi un prisme !, et ce très longtemps avant Sir Isaac Newton.


Voilà donc une belle démonstration de comment interpréter et mettre en valeur les traditions kabyles et l’héritage de nos aïeux, qui sont d’abord un message destiné aux générations futures. Les ennemis successifs du peuple kabyle et du Créateur ont beau folkloriser et dénigrer notre patrimoine kabyle méditerranéen, rien n’y fait, la Kabylie est toujours vivante ! L’ours polaire (blanc) ferait un beau symbole des Kabyles clean unbreakables quelles que soient les fléaux (colonialisme, arabo-islamisme) qui l’attaquent. J’ai comme l’impression que l’on va désormais se sentir très concernés par le réchauffement climatique et la fonte de la calotte polaire, car il y va du destin de l’ours blanc, l’avarnus/burnous planétaire…


A prochainement.


P.S.
Polaris en latin pour l'étoile polaire serait, il me semble, le Béliredj en kabyle ou Belaredj en argot algérois pour désigner la Cigogne.