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samedi 5 novembre 2016

LE DRAGON

Des dieux et des chiffres…
 

Les hommes en ont rêvé depuis la nuit des temps bien avant Icare, Leonardo de Vinci a dessiné comment le faire au moyen-âge, les frères Wright l’ont fait au début du 20ème siècle et depuis l’homme est désormais capable de voler jusque dans l’espace. L’homme a appris à dépasser sa condition humaine et à échapper à la gravitation en se faisant se pousser des « ailes de l’intelligence » : les sciences.

L’exemple kabyle est pertinent tant il montre bien que le temporel est séparé du spirituel, le monde des humains de celui du divin, la république du peuple d’ici-bas du royaume des élus d’en haut, le monde des hommes des royaumes angéliques (au sens où on doit avoir des ailes ou être un saint pour en faire partie) des oiseaux. Le royaume est d’office fabuleux et ne peut exister que dans l’imaginaire, il relève du domaine des mythes, des fables kabyles, à la différence du monde réel des hommes ne pouvant voler, vivant sur terre en république.

C’est aussi le cas ailleurs, les religions et mythes divers en témoignent. Même la société moderne, occidentale surtout, affiche ce clivage entre les élites (oiseaux de haut vol) et les simples gens, entre les idoles (stars de sport, vedettes de cinéma, etc.) et leurs fans. Si jadis le rêve du commun des mortels était de voler, se voir pousser des ailes (pour voler ou devenir saint), aujourd’hui cette même barrière persiste mais sous une autre forme : l’écran qui sépare le néant de la notoriété, ou de la célébrité. Les hommes ne rêvent plus de voler (fly) depuis qu’ils le font en avion, mais plutôt rêvent de casser cet écran qui les sépare de la célébrité, de la richesse, etc. 
Les jeunes d’aujourd’hui rêvent devenir idoles, des stars : footeux, mannequins, acteurs (politiciens compris), buinesman peu scrupuleux (autrement dit, des escrocs), ce sont eux l’Elite mais certainement pas les astronautes, les astrophysiciens, les mathématiciens, les philosophes qui font avancer l’humanité ). L’Olympe de jadis s’appelle de nos jours Hall of Fame, le royaume de la vanité, incarné par la télévision et les médias. On dirait que cette « élite » de haut vol ou caste d'idôles, comme jadis les dieux et divinités, n’est là que pour divertir l’humanité…
http://orig09.deviantart.net/220e/f/2012/019/2/e/chinese_dragon_symbol_by_elleyena_rose-d4mz1ni.png
Ce préambule a assez duré, revenons à nos oiseaux. Pourquoi est-ce que le royaume des oiseaux incarne-t-il dans la tradition orale kabyle les royaumes tout court, celui de Césarée puis d’Alger par exemple ? On le disait dans le billet précédent, le Maure de l’antiquité, le « Turc » d’Alger médiévale, c’est d’abord un oiseau. Saut qu’il faut y comprendre aussi la notion d’Etat, de Droit divin. Le « Turc » d’Alger, le Tyr (oiseau) en kab ou Ta1r en masri-arabe, ce n’est pas tout à fait un oiseau mais ça vole quand même :
« Turc » d’Alger, Turc ~ Dragon
Ce dragon (reptile) est surtout présent en Asie, un peu en Europe, mais en Méditerranée il a pris une forme différente. En Chine, où le dragon (hiéroglyphe chinois illustré sur l'image) est omniprésent pour le rite de la fête des dragons. Elle rappelle quel rite kabyle, berbère nordaf à votre avis ? Ou bien le mythe russe de « la belle et la bête », de la belle Vassilissa (ce mot issu du grec équivaut, j’en étais sûr depuis un bon moment, à Thislyth) et du dragon Gorynitch ? Exact, le mythe fondateur kabyle, et berbère dans une certaine mesure, d’Anzar et de sa belle fiancée-mariée Thislyth b’anzar, l’arc-en-ciel.
Anzar, dieu des sources, n’est pas un dragon (ni King Kong d’ailleurs :) ) au sens propre, mais il sèche les sources et réclame une belle jeune fille pour rendre l’eau aux hommes et à la terre exténuée par la sécheresse. Anzar aurait été un dragon en Chine, c’est une divinité tout simplement chez nous, évoquée sans fanatisme, mais chez les religieux il aurait pris la place d’un Ange ou d’Archange porteur de pluie ou de bonnes nouvelles. Il faut surtout retenir que le Maure de Maurétanie Césarienne (temps de Juba II), le « Turc » d’Alger médiévale et le mythe d’Anzar ont qlq chose en commun, sinon tout.

Le plus intéressant (surtout pour moi !) est ce qui va suivre…
Les hommes ont toujours vu du divin dans le ciel qu’ils ne pouvaient atteindre et dans les airs invisibles qu’ils ne pouvaient voir. La pluie, les autres précipitations ont sans doute aidé les hommes à force leur destin et à s’affranchir de la tyrannie des « dieux » et « seigneurs ». A partir d’un certain moment, l’homme a vu… des chiffres dans les cieux, dans les précipitations. Anzar – ce terme signifie aussi « pluie » chez les Berbères occidentaux –, outre sa fonctionne divine, porte aussi un indice de chiffres (et de calendrier probablement) et un indice spirituel. Voici ma conclusion :
Anzar serait « angélique », « spirituel » ;
a-gefur « pluie » en kab = Chiffre ;
ifer « aile, feuille », fer « cacher, protéger » (donc chiffrer, coder) en kab ;
afrux « oiseau » en kab serait à rapprocher de « esprit » ou « âme » ;
le terme Chiffre, comme Zéro, est en lien avec Spiritus (esprit en latin) ;
3usfur « oiseau », asfar « jaune » en masri-arabe sont en lien avec Esprit voire âme et surtout Aura en latin et fr (awragh « jaune, or » en berbère a-t-il une relation avec ?).


Compliqué ? Faisons bref alors :
Les Chiffres et le Zéro sont dans le mythe et le nom d’Anzar. Les chiffres, comme les oiseaux, auraient été divinisés (normal, ils sont imaginaires ou invisibles) : c’est le royaume des chiffres. Les mathématiques et les (nouvelles) technologies numériques de notre siècle relèvent-elles de l’idolâtrie (des chiffres) ? On a ainsi localisé une piste très intéressante pour remonter aux origines du zéro, des chiffres, du calcul, des maths mais aussi leurs différents usages, le Calendrier par exemple.

Le dragon et les oiseaux seraient donc des divinités, des « dieux » cachant une notion rationnelle (chiffres, calendrier, système de mesure), on comprend mieux les têtes de faucon, etc.des anciens Egyptiens. Ce « dragon », Tyr (oiseau), « Turc » est en réalité dans le quotidien de beaucoup de nos contemporains :
Sunday (samedi, jour du Soleil) avec Day issu du latin dei « dieu »= notre « dragon », « Turc », et très probablement, la notion de « Dei » (jour-day, dieu), Théo en grec (de Zeus en grec), la nation d’Etat également pouvant s’y trouver.
 

Des questions maintenant : le renoncement à l’idolâtrie signifie-t-il le désamour de l’Etat ou autre chose, par exemple le monothéisme ? Quelle différence entre un Etat monarchiste avec un Roi (soleil !) et ses sujets, sa suite (ses planètes !) et une République du peuple souverain ? N’est-ce pas la même distance qui sépare le monothéisme du polythéisme ou inversement ? La surprise pourrait venir de la corrélation entre des modèles physique du monde (univers) et des modes de vie, entre l’opposition « géocentrisme vs héliocentrisme » et les systèmes politiques « royaume vs république » et les systèmes religieux (catholicisme « universalisme » par ex.). A suivre donc.

P.S.
On comprend aisément que le kabyle ifer « 1.aile, 2.feuille/plante » va, pour le système solaire, attester la notion de Planète ! En outre, ce qui est appelé zit qbayel « huile kabyle » en argot algérois pourrait s’avérer évocatrice de chiffres, car elle serait la « suite kabyle », celle-là même que Fibonacci découvrit à Bougie. On a de quoi rediscuter de l’origine des chiffres…