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dimanche 6 mars 2016

Les Gauloises

La Terre Kabyle, partie 1 . Les Gauloises

Circonstances obligent, changement de cap : à plus tard Cap Carbon, bonjour la Kabylie profonde ! Les adversaires de la Kabylie ont beau la caricaturer et résumer sa culture multiséculaire à du « simple folklore sans intérêt », la Kabylie trouvera toujours le moyen de descendre en flammes ses détracteurs et leur interprétation pour le moins malhonnête du patrimoine culturel kabyle. Et l’on commencera par le folklore justement, le pays kabyle faisant toujours usage de la fable comme nulle part ailleurs en ces temps de la modernité.

 
Le monde des oiseaux, des insectes et des animaux a toujours servi de repère aux hommes. Ainsi, les oiseaux de proie (et de haut vol !) sont généralement nobles, idem pour les fauves pour ce qui concerne les animaux, de même l’insecte travailleur est considéré comme noble. La fable, une parabole où les animaux ou oiseaux prennent la place des hommes, c’est d’abord une leçon de morale. Le folklore, lui, comme nous le verrons plus loin, est par le peuple et pour le peuple, il est le peuple lui-même.

La tradition kabyle oppose le vilain au beau et élégance. Ainsi, la poule (tha-yazidt) est bécasse par sa jugeote, vilaine par sa marche et surtout elle ne vole pas même si elle pond ! La poule est à l’opposé de tha-sekurt (la perdrix) qui symbolise l’élégance (et l’éloquence aussi !), la grâce dans son vol (et dans son champ) : une vraie princesse. Idem, le coq (a-yazit ou a-yazidh) est opposé à i-hiquel (le perdreau) . Au summum, il y a l’oiseau fabuleux, imaginaire que l’on apparente au faucon : l’vaz (faucon mâle) que personne n’a vu en Kabylie pour la simple raison qu’il s’agit d’un oiseau mythique, imaginaire ; tha-nina (faucon femelle), elle aussi imaginaire, qui symbolise beauté, élégance, grâce et éternelle jeunesse : c’est la reine de beauté.

Elégance rime avec éloquence, et la poule illustre cette logique kabyle. En effet, un bègue en kabyle est dit a-qew-qaw, sans doute à cause de a-qavuv, n’qev « bec, becqueter ». C’est-à-dire que la poule béquette et mange grain par grain, c’est ça : ………... En pointillé. L’éloquence c’est l’inverse : parler d’un trait comme l’on mange en tas, avec une cuillère : tha-ghundjay-th « la cuillère » est à coup sûr en relation avec a-ghendjur « nez aquilin » en kab, aquilin qui symboliserait un parler clean, l’éloquence (à la Cicéron !). Le petit nez retroussé de poule/de coq ou un nez camus symboliserait exactement le contraire : la bègue, ou toute personne ayant un défaut de langage (par rapport à un autre), par exemple, celui ou celle qui parle gras, à l'instar des Gaulois et Gauloises, Français et Françaises qui grasseyent sans pitié le R (en « gh »). Ce « défaut de coq/poule » de R grasseyé chez les Gaulois et Gauloises, Français et Françaises, se retrouve chez les Kabyles aussi, mais là il s’agit non pas du R mais soit de la gutturale Q, soit le Djim (dadjadja "poule" en arabe), soit de la gamma occlusive Ga en remplacement du Q et Dja, souvent chez les « arabes » algériens du sud et en masri (arabe égyptien). 

Vu du côté sud de la Méditerranée, le "parler de poule" avec le R grasseyé est un parler barbare :) Vu du côté nord, le "parler de poule" avec une gutturale Q est un parler barbare :) Comme quoi personne n’est parfait !

Post-Scriptum
Qlqs remarques s'imposent. 
D'abord, la racine kabyle GNJ ou GNZR de a-ghunja "la louche", tha-ghunjat-th "la cuillère" et a-ghenjur "(nez) aquilin" aurait un lien avec 1)... le Janissaire, au travers la cuillère du chorbadji-serveur de soupe et leur capitaine (lire La fabuleuse image du janissaire) et 2) avec le Khodja "secrétaire, greffier ?". C'est une piste à exploiter. 
Ensuite, il y a le Djim en masri/arabe (pour gamma, G ou C) qui, on l'a dit plus haut, supplanterait parfois la gutturale Q ou la gamme occlusive Ga, serait aussi un 2 comme pour le (chiffre du) cygne. L'intérêt de cet élément est qu'il peut nous servir à remonter jusqu'à l'écriture des anciens Egyptiens, notamment pour comprendre le passage des hiéroglyphes (on desssin des objets, animaux) à leur forme simplifiée, à l'écriture hiératique (signes, symboles). On y reviendra le moment venu.