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lundi 17 août 2015

APOCALYPSE

De l’autre côté du Midi
 

La légende kabyle du terrible Akli uzzal (le boucher/bourreau de midi) remonterait à des temps lointains et traduit un phénomène de mécanique céleste comme on le verra plus loin. Avant de poursuivre la lecture de ce post, veuillez svp prendre connaissance du billet El Cojo pour en savoir plus sur cette légende kabyle...

Prologue
Ou retour sur une période terrible de l’histoire kabyle. Très souvent les non-Kabyles, les étrangers et les Français eux-mêmes, ont du mal à comprendre le regard sceptique et méfiant que portent les  Kabyles clean sur la France, le pays des Lumières. Comment expliquer ces opinions diamétralement opposées que nous avons de la France ? Par analogie, une parabole tout simplement. Les Kabyles ont eu le malheur d’avoir vu l’autre face de la France, la face sombre que les autres (étrangers) n’ont jamais vue. Le monde entier voit ou ne veut voir que la pleine Lune, càd la France des Lumières, la douce France. La Kabylie, elle, a vu la face cachée de la France, càd la France cruelle. Nous avons vu M. Hyde tandis que le reste du monde n’a vu et ne voit que le doc Jekyll dans cette étrange France. Le Hyde français a même un nom : le maréchal Bugeaud, bourreau qui est resté gravé à jamais dans la mémoire kabyle sous le nom de Bichouch, un épouvantail, un monstre. Cette mémoire n’existe pas en Algérie pour la simple raison que le pays est aux mains des résistants de la dernière heure qui cultivent seulement et à leur manière la mémoire de La Guerre d’Algérie (1954-1962), càd l’épilogue des 132 ans d’occupation, et pour qui la vassal de Badinguet, l’émir AEK - considéré à juste titre par les Kabyles comme un collabo sinon un traître -, est un héros national ! La catastrophe du 19 siècle est une plaie qui ne guérit pas pour le Kabyle clean, la déroute de 1857 et l’humiliation de 1871 constituent des événements trop sombres et douloureux pour être rasés de la mémoire collective du peuple kabyle. Le devoir de mémoire n’est pas une banalité ni un fonds de commerce, mais un remède à ces blessures.

APOCALYPSE
En Kabylie monstres sont utilisés parfois pour dissuader les gamins, par exemple de ne pas mettre le nez dehors par un soleil de plomb en été de peur de rencontrer le terrible Akli Uzzal. Et chacun de vous a sans doute vu ou visionné ce terrible Akli uzzal : regardez l'illustration plus haut !

Autrement dit, Akli uzzal (le boucher/bourreau de midi) = Eclipse solaire
C’est donc ce phénomène qui faisait flipper les anciens qui y envoyaient un monstre cruel Akli uzzal, un forgeron géant, noir, boiteux, moche, cruel, etc. Mieux encore, cet aussi le témoignage d’un fait connu dans les textes religieux sous un nom précis :
Eclipse solaire = Akli uzzal = Apocalypse
On aurait tort de dire que les anciens étaient moins intelligents que nous, loin s’en faut. Nous alons appliquer la logique de la Lune au Soleil, comme on l’a déjà évoqué dans l’avant-dernier billet El Cojo. On a la Pleine Lune, on a aussi le Plein Soleil ou Plein Jour : c’est azzal en kabyle, Sole, soleil en romanes. Les phases de la Lune sur un mois lunaire de 29 jours deviennent les phases du Soleil durant une journée (de 24 H), c'est-à-dire les heures de la journée. Dans les deux cas, on a une partie illuminée et une autre ombragée.
 

NB : Exactement comme dans le système kabyle (et pas seulement) qui, au lieu d’accorder trop d’importance aux 4 points cardinaux, se focalise sur l’exposition au soleil des côtés de la vallée : a-mallu (Amalou) « le versant ombragé » ou Ubac vs a-sammar « le versant ensoleillé » ou Adret.
 

La logique est simple, il suffit de changer d’échelle pour passer de la Lune au Soleil. Il y a d’ailleurs un phénomène céleste commun aux deux astres : Eclipse lunaire et Eclipse solaire

Mais alors comment les anciens érudits voyaient l’éclipse solaire quand il fait noir en plein jour et survient le terrible Akli ? Simplement comme la face cachée du Soleil (par comparaison à celle de la Lune), ou plus probablement comme l’Anti-Soleil qui sera par la suite interprété comme un mauvais présage ou la fin du monde : Anti-Christ ou Antéchrist avec son « nombre de la bête » 666 qui pourrait correspondre tout simplement à la date (quel calendrier ?) d’une éclipse solaire à un point géographique (lieu) donné de la Terre.


Je suis à peu près sûr qu’il y aurait eu une interprétation rationnelle de ce phénomène céleste de la part des astronomes de l’époque, il suffit juste de remonter jusqu’à LA référence antique : l’Egypte ancienne ; et la personnification de l’éclipse solaire par un personnage cruel tel que Akli uzzal ne serait qu’une métaphore pour mieux mémoriser en « masse et pour longtemps » ce phénomène exceptionnel qu’est l’éclipse solaire : la preuve, nous sommes en 2015 en train de faire le chemin inverse de la parabole de la légende du terrible Akli vers l’événement rationnel qui l’a engendré.


EPILOGUE
Parfois, les personnages positifs pour les uns peuvent être négatifs pour d’autres. Alexandre le Grand est plutôt positif côté occidental, mais chez les Perses que les Macédoniens auraient conquis, il est synonyme de catastrophe et du diable en personne. C’est surprenant mais cette piste d’un Alexandre diabolique est peut-être corroborée par Diogène avec sa réponse légendaire à Alexandre : « Ote-toi de mon soleil ! ». On pourrait comprendre par extension qu’Alexandre serait celui qui cache le soleil, l’éclipse, un terrible Akli uzzal quoi ! Dans ce cas, on comprendrait mieux la légende persane d’un Iskandar (Alexandre le Grand) diabolique qui a réduit le pays (Persépolis) en cendres

Le soleil kabyle s’est éclipsé au 19 siècle par cause de rideaux de fumée des armements de l’envahisseur et des cendres de la défaite avec son lot d'humiliation plus la spoliation qui s'est ensuivie. Cette période tragique pour le peuple kabyle a été relatée par notre Diogène à nous : notre grand poète et barde vagabond Si Muhand U’Mhand, que Dieu ait son âme. Cette période tragique, une grande éclipse dans l’histoire kabyle, ne serait-elle pas qu’un cruel préambule à une Renaissance, un âge des ténèbres, la longue nuit avant que le soleil ne réapparaisse pour illuminer les ubacs et adrets du pays kabyle ? C’est tout ce qu’on peut souhaiter au peuple kabyle dont le soleil est toujours voilé, une nouvelle fois par le croissant hilalien de la nuée de sauterelles