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mardi 28 novembre 2017

Adieu, ma jolie !

Shakespeare à Tipaza.

Celui-là mérite un Oscar, c’est moi qui vous le dis !
 

Dernièrement je suis tombé, pour la énième fois, sur une interprétation zaouïatocentriste des patronymes nordafs, où, entre autre, il se disait que tous les préfixes Bou- seraient forcément des abou- tout droit parachutés du royaume des sables émouvants. Même rengaine pour opérer à un vol de mémoire, par exemple en domestiquant Shakespeare devenu Cheikh Zoubir en un tour de passe-passe. Laisser l’interprétation de l’histoire et du patrimoine aux doctes de zaouïas et autres douktours de madrassas, ou à leurs alter-egos soi-disant modernes mais toujours parmi les esprits les plus serviles, est un grand gâchis, pour le vrai peuple bien sûr.

Voyons ce que ça donne en Kabylie. Prenons, par exemple, cette chanson de Malika Domrane où elle évoque Boubrit. On nous donne la version zaouïatocentriste, ou populaire ?, de l’étymologie de ce nom : Boubrit ne serait que Beauprêtre (encore un soudard franchouillard cruel du 19ème siècle), alors que ce n’est certainement pas le cas comme on le verra plus loin. En somme, l’horizon du peuple s’arrête au 19ème siècle de l’invasion française et à l’inévitable zaouiya. Triste, n’est ce pas ?
Shakespeare à propos. Y a-t-il un élément du patrimoine kabyle, DZ ou nordaf qui, d’une façon ou d’une autre, aurait une relation avec Shakespeare ou du moins à son œuvre ou à son métier ? Affirmatif ! Et cela fait des mois que je l’ai compris, voici l’élément en question sur l’image. Oui, c’est le Mausolée royal de Maurétanie dit « tombeau de la Chrétienne » (Qbar a-Roumia en arabe DZ), on suppose que c’est le tombeau de Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre et épouse de Juba II. Alors, pourquoi Shakespeare à Tipaza ? Elémentaire, chers amis :
Roméo et Juliette
A la différence près que les rôles sont inversés : le Roméo de Vérone (de Shakespeare) passe au féminin à Tipaza : la Roumia justement ; la Juliette de Vérone (de Shakespeare) passe au masculin à Tipaza : Jules.
Jules ou son équivalent kabyle Akli (voir les billets précédents à ce sujet), qui est un nom propre mais aussi un nom commun pour « esclave, boucher, voire artisan, etc. ». Juliette est en kabyle tout simplement le féminin de akli, soit tha-klith (taklit) « esclave, servante », donc une origine roturière, la plèbe au moins.
Le plus intéressant vient de ce que j’ai récemment compris, à savoir l’équivalence du suffixe L (el, al, il) kab au TR ou DR en grec et en latin. En d’autres mots :
Akli en kabyle = Acteur en fr.
Akli – acteur, Juliette – tha-klith serait une Actrice et Rôle. Shakespeare aurait apprécié, I guess ))
Maintenant la question se pose pour le partenaire : Roméo (masc.) ou Roumia (fém.). Il/Elle serait, par opposition, noble et/ou de profession opposée à celle de l’acteur/actrice ? Pour le moment, je n’ai qu’une seule hypothèse de travail pour a-Romi : le mythique chasseur Orion (voir billets précédents). On y reviendra le moment venu.
Akli en kabyle pour le nom Jules et pour la profession d’Acteur (voire pantin), c’est aussi la possibilité d’expliquer un certain personnage des mythes des voisins nordafs arabophones : leurs personnages Ghoul (ogre – waghzen en kabyle) et Ghoula (ogresse – tsériel en kabyle) sont, prenez l’accent espagnol !, Julio et Julia. Jules et Juliette en somme. Lunja, conte kabyle par excellence mais pas exclusivement : la belle Loundja bent l’ghoula (fille de l’ogresse) existe chez ces mêmes voisins arabisés. On a ici un indice intéressant : Lunja ou Loundja serait la fille de Julia. A la louche, Cléopâtre conviendrait parfaitement ou presque au rôle de Ghoula (Julia), sa fille et épousé de Juba II, Séléné pourrait être cette Lunja, Loundja, mais c’est à prendre avec des pincettes.  On y reviendra le moment venu. 

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A vous de méditer sur le parallèle troublant entre la tombe de la Roumia qui serait bâti (et donc visité) par son époux Juba II (même histoire ailleurs pour le Taj Mahal) et celle de Juliette, tuée par le chagrin, sur laquelle se prosterne le pris-pour-mort puis ressuscité Roméo avant de prendre du poison à son tour (comme une certaine Cléopâtre, à propos). A peine si Roméo et Juliette est une histoire italienne récente et encore moins angloise, ce serait une histoire vielle comme le monde… égyptien ancien, je pense. « Adieu ma jolie ! » serait une tragédie antique qui aurait traversé les siècles.
Sinon, le Mausolée royal de Maurétanie, une fois entre de bonnes mains, deviendra aussi célèbre et fréquenté que le Taj Mahal et Vérone pris ensemble )) Ok, on est d’accord pour une affluence égale ))


A prochainement !


P.S.
Pour Boubrit de Malika Domrane maintenant. D’abord, le nom Malika serait très probablement l’équivalent (outre Angélique supposé depuis des années) du nom très familier dans le monde dit judéo-chrétien : Marie, Maria. Quant au nom Boubrit, disons que le préfixe Vu- en kabyle ou Bou- en kabyle et en nordaf aurait comme équivalent, entre autres, un préfixe grec hippo (cheval) : Vu/Bou- désigne souvent un trait physique très prononcé en kab, par exemple vu-qadhum (Boukadoum) pour un visage grand, vu-idharen (Boudarène) pour « grand pied » ou vu-qamum (grand museau, voir grande gueule), on remplace grand par cheval et les choses deviennent compréhensibles : Hippopotame ferait bien un vu-qamum (il en a la gueule !), Boudarène « pied de cheval », « long pas » donc « pas de course » : Hippodrome ne serait pas loin. Le paradoxe est que c’est la langue kabyle qui est la seule langue méditerranéenne en mesure de donner un sens réel à ces affixes grecs anciens prémédités, hippo- par exemple, largement utilisés y compris par les « immortels » qui croyaient (et croient toujours) pouvoir nous laminer intellectuellement. Que nenni !
Pour Boubrit, à peine s’il est issu du Beauprêtre français, il évoquerait le domaine médical peut-être : Hippocrate, voire même Hippolite ou la profession de cocher. Tout ça nécessite des vérifications, bien entendu. Ces hypothèses « naïves » nous permettent au moins d’aller dans le bon sens et plus loin dans le passé, au plus proche de la vérité et aussi loin que possible de la « peinture fraîche » française et arabe des soi-disant élites intellectuels qui dominent la scène et raflent la mise comme de vrais Cheikhs Zoubirs )))