Un billet pas comme les autres. Et si la première partie est dure à encaisser pour le Kabyle qui tient son rang, à sa patrie, à sa liberté et à l'idée kabyle ; la deuxième redonne espoir au désespéré capable de percevoir le fond de la pensée kabyle...
LA MAISON KABYLE
L'an 1857 est resté gravé à jamais dans la mémoire de notre peuple. Ce fut l'an de la reddition de la sainte Fadhma N'Soumeur après la bataille perdue d'Icheriden face aux hordes des sanguinaires Randon, MacMahon et surtout Bugeaud, symbole de l'invasion, qui a rejoint depuis le panthéon des montres de la mythologie kabyle sous le nom de "Bichouh", un épouvantail, un monstre cruel et sans pitié qui cristallise la terreur absolue. En 1857 la Maison kabyle a perdu son toit, la Kabylie son indépendance. Depuis, et la révolte de 1871 ne changea rien hélas, la Maison kabyle est toujours sans toit propre, une maison avec une passoire en guise de toit ; et si ça continue comme ça, la maison kabyle a toutes les chances de devenir une tente...
L'humiliation de 1857 devrait être une leçon pour les générations futures, mais le souvenir de cette bérézina kabyle s'est estompé au fil du temps, surtout que depuis que l'envahisseur d'hier a laissé avant de partir un sosie local chargé de veiller à ce que la Kabylie ne retrouve plus jamais son toit ; celui-ci ne lésine pas sur les moyens en interdisant de cultiver la mémoire kabyle en la remplaçant par la geste hilalienne et autre hérésie pour briser tout espoir de renaissance de l'âme kabyle. Doit-on s'étonner que le drame de l'occupation du pays kabyle, une blessure qui ne guérit pas, est de nos jours largement ignoré de la majorité des enfants du pays kabyle ?
Là où les soit disant intellectuels d'origine kabyle ont failli, les bardes et poètes kabyles ont rempli leur mission devant leur peuple et le Créateur, depuis Si Muhand Ou Mhand à Dda Lwennas, adh phell assen y'aafu Rebbi (Que Dieu ait leurs âmes), le ciseleurs du verbe kabyle qui cultivent la mémoire kabyle. Voici un récit épique en miniature ou résumé sur les temps de troubles causé par la défaite face à l'envahisseur - dans la mémoire kabyle, l'envahisseur, en général et pas seulement les hilaliens, est associé aux sauterelles -, de Dda Lwennas ici prof d'histoire :)
ay axxam th'duri th'murth, a seqef ik y'echteh y'a3ra (chrono 5:15)
Le toit de la maison kabyle est éventré, le pays kabyle est humilié...
LE TOIT D'ALGER
Donnons maintenant la parole... à la langue, quoi de plus normal après tout !
Vous connaissez l'expression algéroise jadis populaire "h'kiha el bibidTe" ? Pour signifier "Cause à un immature/mort/ignare !" ou "Arrête de débiter des fagots !". Il y a une expression kabyle plus raffinée mais allant à peu près dans le même sens surtout dans le cas où celui qui débite des inepties est un fanfaron ou menace/promet des choses incrédibles dont il serait capable :
L'Dzayer su'dhelas ith sqef !
Soit Le toit d'Alger est en adhelas donc un toit qui peut être emporté par le premier vent qui souffle (la moindre épreuve), donc un toit peu fiable. Donc la signification de cette expression kabyle serait "propos légers et en-dessous de toute critique".
Que signifie exactement le terme adhelas en kabyle ? Pas facile à dire, même si je comprends qu'il s'agit d'une plante ou d'un jonc, d'une canne, comme le roseau très souvent utilisé comme isolant de toiture en architecture kabyle.
DLS de adhelas (jonc, canne, roseau ?) est le même que celui de idhles (la culture) en kab.
En réalité il y a une relation que personne n'aurait osé soupçonner :
Toit ~ Culture
Le terme sqef utilisé en kab serait probablement un emprunt au masri/arabe SQF saqf (toit) qui serait en lien avec le terme T-QF-T thaqafa (culture).
DLS de adhelas (jonc) et idhles (culture) en kabyle c'est probablement ça : Papier ou PAPYRUS.
Un toit en adhelas donc en papier n'est donc pas la meilleure des protections :)
Par contre c'est naturellement un support pour les écritures...
Et d'où viendrait le terme Culture et ses dérivés : cultiver, etc. ?
Une relation s'impose d'elle-même :
KTB de kitab (livre), kteb (écrire) en masri/arabe = CLT de culture, cultiver.
(Se) Cultiver c'est donc écrire et livre avant tout.
Probablement le terme sqef en kabyle et saqf (toit) en masri/arabe aurait une relation avec scribe.
Revenons au kab DLS de adhelas (jonc) et idhles (culture).
Vous n'y voyez pas l'école en arabe et en persan avec L altéré en R ? Moi si :
M+DRS : Madrassa en masri/arabe er Médersa en persan pour École.
La relation serait peut-être à travers ahdelas (jonc) = papyrus, parchemin ou "diplôme" délivré aux élèves. A vérifier.
Et ici c'est le kabyle qui a l'avantage de pouvoir expliquer l'origine de ce mot !
On y reviendra une autre fois.
La mémoire kabyle est bafouée sans arrêt par ses ennemis avec des complicités locales hélas, les esprits serviles et la valetaille, comme quoi la Kabylie n'est pas au bout de ses peines. C'est un terrible revers pour la mémoire collective kabyle de constater que la maison kabyle est toujours sans toit, et pire encore, une partie de la Kabylie, telle une vulgaire concubine, est prête à accepter de vivre sous le Toit d'Alger où - mais qu'est ce que l'histoire peut être ignoble ! -, trône la statue de l'humiliation : jadis c'était Bichouch, le bourreau, ensuite il fut remplacé par un émir maure collaborateur de l'ignoble Badinguet et des bourreaux du peuple kabyle : le "gentil maure" est décoré de la Légion d'honneur tandis que les Kabyles étaient humiliés, spoliés de leurs terres et, pour certains, déportés en Nouvelle-Calédonie. Ahlil ! Mouais...
Et dire qu'il y a des Kabyles qui acceptent de vivre sous un faux-toit, sous une fausse identité sans aucune honte ni remords, sans aucun respect pour la mémoire des ancêtres ni repentir... jusqu'au jour où le Créateur les rappellera : Dieu, à coup sûr, n'a pas de parti pris et saura lire le parchemin des justes.