C'est à prendre ou à laisser : la maison kabyle n’est ni à vendre, ni à louer. Un peu comme dans le conte légendaire de « La vache des orphelins ». Et la maison kab' porte la marque égyptienne. Ancienne, bien sûr.
Jetez un coup d’œil à l’avant-dernier billet sur le « Bélier », là où il est question, entre autre, de chance, balance, bélier, scarabée dans l’opposition adaynin « étable » du bélier vs aguns « (le) séjour ». Je disais, à propose, qu’il nous fallait un ouvrage de référence en matière d’architecture kabyle ancienne… Désormais, j’ai mes propres certitudes, du moins pour ce qui est de l’implantation de la maison kabyle dans l’espace-temps (enfin, d’une journée solaire), on est loin de la simple opposition amalou-asamar (ubac-adret).
Pour se faire inviter chez les Kabs, vous devez être rayonnant, même en hiver. Faites comme si vous étiez le soleil (Faites ce qu’on vous dit !). Vous arrivez par le sud, sur les coups de midi solaire (le votre !). Vous entrez dans l’intimité kabyle, dans la maison kabyle : passé le seuil, vous regardez droit en face, vous éclairez de votre présence aguns « le séjour », vous vous redressez (la tête haute mais sans prendre des airs, d’accord ?) et vous éclairez thasga, la face ou le mur qui reçoit le plus de luminosité et de chaleur, chose très importante en hiver. Sur votre droite il y a adaynin « étable » pour le bélier du sacrifice, il est surmonté de la soupente en bois tha3richt ou le petit agadhir « grenier ». Sur votre gauche, il y a le kanun « âtre, foyer » et la cheminée.
L’orientation de la maison kabyle par rapport au soleil, aux points cardinaux est simple à déduire pour la simple raison que l’étable du bélier du sacrifie est l’Orient, le reste se déduit naturellement : thasage – Nord, kanoun – Occident, la porte (celle-là même par laquelle vous êtes entré(e) !) – Sud.
On dit en kabyle axerfi (kherfi) pour « mouton, bélier », terme usagé en masri-arabe aussi pour l’agneau, et en kab toujours ikeri, akrar (k aspiré comme le « ch » allemand dans « ich ») pour l’agneau au singulier, le pluriel étant i-zamaren. Certains de ces termes sont très vieux, ils datent de l’époque égyptienne ancienne :
akrar, ikeri « agneau » en kab = kheprer, khepri du scarabée et du soleil levant. Xerfi « bélier, mouton » aussi serait probablement une altération de Khepri. On tient la réponse à nos questions sur la « chance » en lien avec le bélier dans le culte du dieu égyptien ancien Khépri.
akrar, ikeri « agneau » en kab serait en lien avec le verbe ker « se lever » comme pour le soleil qui, en kab, d’abord se lève ou s’éveiller (iker y-itij) puis monte dans le ciel (y-uli y-itij). L’agneau serait le symbole du Levant, de l’Orient, de l’Est. L’étable est un berceau lorsqu’on passe d’un bébé ovin à un bébé humain :
luphan, lufan « bébé » en kab ~ Levant ;
sevian « bébé » tout aussi usagé en kab interfère avec sabi « bébé » en masri-arabe : c’est peut-être aussi un scarabée, mais surtout c’est le symbole de pureté, d’innocence et donc de blancheur. Les termes saphi « pur », sophiane communs au kab et au masri-arabe tiendraient leur origine de l’immense Egypte ancienne.
RENT
Vous avez vu, peut-être, une pancarte real estate, souvent peu esthétique, « Rent, For Rent » (« à louer » en anglois) sur une maison ou un building, dans la vie ou au cinéma. Eh bien, Rent c’est tout simplement Orient. Souvenez-vous, l’agneau est ikeri, akrar en kab, et le verbe louer en kab est kru, kri comme en argot argélien mais pas en (vrai) arabe (ta1djir). L’agneau de location ou de louange ? M’est avis qu’il est question de « l’agneau de Dieu » et de laudate-laudate (les qalhu-wellahu en kab quoi !) : un Oriental est donc un louangeur par définition :)) Ou des éleveurs tout simplement !
Plus sérieusement, c’est la notion de Puritain qui se cacherait derrière l’Oriental. Il est aussi probable que, sur le plan religieux, la notion de « gens du livre » (des Orientaux ou des Occidentaux ?) soit en lien avec Libra, la balance qui est opposée au Bélier, tout comme les « ahl el-beyt » (gens de la maison) (de Dieu s'entend) irait dans le même sens et serait un produit égyptien ancien recyclé par les arrivistes du désert. Par ailleurs, l’axe adaynin-aguns-kanun (étable-séjour-âtre) serait un axe « horizontal » d’Orient vers l’Occident.
Au final, en plus de l’aspect économique véhiculé dans le lexique architectural kabyle qui reste à expliquer, il nous faut maintenant placer la maison kabyle dans le temps astronomique, au-delà d’une simple journée solaire : quel est cet Orient (l’agneau) qui a servi de référence pour orienter les Kabs, leurs maisons, leurs us, leurs traditions ? ; à quelle époque remonte ce repère, cette référence ovine ou au Bélier dans l’architecture kabyle ?