Translate

mardi 12 juin 2018

UN GRAIN MAGIQUE

...DANS LE GRENIER PUNIQUE
De quoi Agadir est-il vraiment le nom ? Voilà une bonne question. Toujours sans réponse définitive. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, vous le savez ! On revient à la charge, histoire de voir si l’on peut faire bouger les choses…

LE COMPTOIR
L’intérêt est que la racine phénicienne gad « rempart, mur, enceinte » dans Agadhir en berbère et dans le nom de lieu espagnol Cadiz ou Cadix, peut nous apprendre beaucoup de choses sur le paysage linguistique méditerranéen antique.


Rappel :
- agadhir est une institution, un grenier collectif, chez les Berbères du couchant ;
- le « petit » agadhir ou grenier individuel (familial) est un élément d’architecture de la maison traditionnelle kabyle, appelé tha3risht « soupente », un élément en bois et surélevé pour stocker les  provisions liquides, l’huile d’olive notamment ;
- cette racine punique gad « rempart » est on ne peut présente en kabyle : /KT/ ou /WD/ dans kath, weth « battre, battement », wada « bas », awedh « arriver (à terme, au point) ».
Je me suis posé une question raisonnable : ne devrait-il pas y avoir également une interférence avec la derdja (argot arabe nordaf), d’autant plus que le phénicien est normalement une langue sémitique également (qui s’écrit de droite à gauche, donc) ? Au final je suis arrivé à la… ruse que voici pour débloquer les choses (on est dans le domaine d’hypothèses, je rappelle) :
On suppose que le kabyle aurait perdu un N dans la racine KT, WD équivalente du GD de gad « rempart » phénicien. Ainsi, la racine complète serait, respectivement, NKT, NWD et NGD.


On conclut ce qui suit :
Cette racine du kabyle kath « battre », ou le rempart phénicien gad, aurait un équivalent en derdja et plus généralement en masri-arabe : NQT de nuqta le « point ». C’est bon pour le déclic !
Du coup, le fait que les toponymes correspondants, ex. Agadir au Maroc et Cadix en Espagne, qui se trouvent du côté occidental, du couchant, pourrait trouver son explication dans le point qui boucle la phrase « à l’ouest » (à gauche), si l’on va de droite à gauche, bien sûr. 

Anecdotique mais peut-être pas totalement faux. Ce point est bien un rempart (gad phénicien), qui peut s’avérer être le minimum ou l’unité de base dans un système de mesure et de poids antique (un pound antique). Ou tout simplement un GRAIN, après tout agadhir est un grenier en berbère. Le gad étant un « rempart », on peut interpréter notre grain dans un autre sens : la plus petite partie insécable de la matière, jadis l’atome pour les Grecs anciens, jusqu’à récemment on considérait le quark comme la particule élémentaire (fondamentale), depuis y a eu des évolutions,  je crois.

Autre supposition, ce point-rempart pourrait être un repère, un « point ultime ». Je vous épargne le détail, mais je pense que ce gad « rempart » serait comparable au « point rouge » du pays du soleil levant, le Japon. Un peu comme les Indes, ici on a deux points-repères. A suivre.


Le battement kath en kabyle (de la pluie par exemple) laisse penser… au supplice de la goute, mais pas seulement : c’est avant tout une question de compteur, de décompte. D’où la supposition que cette racine de kath « battre » en kabyle et du gad « rempart » phénicien, dans Agadir et Cadix, prendrait le sens de Comptoir, quoi de plus phénicien ! 


Un agadhir pourrait également indiquer une table (en bois et élevée, comma la soupente). Ce gad « rempart » et point-repère pourrait indiquer un fond tout simplement, et par extension, on est devant une notion « fondamentale ». Et si la racine éclatée, complète, avec un N, est vraie, il pourrait s’agir d’un nœud.


LE ROI DES OISEAUX
Maintenant, il faut voir si ce N a disparu des autres mots correspondants, devant le k ou g aspirés en kabyle. Il n’y a aucune raison de généraliser, donc prenons cette hypothèse avec des pincettes. Néanmoins, si tel était le cas, je crois que nous serons en mesure de comprendre pourquoi l’on prête à Apulée de Madaure l’introduction en grec d’un terme qui désigne un personnage mythique, biblique.
Voyage dans l’imaginaire, au temps où les oiseaux avaient le don de parler, comme l’on dit. Non, bien sûr, il s’agit juste de métaphore, l’oiseau étant une projection de l’homme dans l’imaginaire de celui-ci. La fable kabyle désigne toujours le chef : ag’lidh ledhuyr, le roi (prince) des oiseaux.


Prenons le ag’lidh « roi », mais avec un N rétabli devant le k aspiré, et l’on aura le terme introduits en grec par Apulée de Madaure : aggelos en grec, soit angelos « ange » en latin. Déjà, ig’idher « aigle » est de le même racine que agdhir. En plus, l’ange et l’oiseau ont une chose en commun : les ailes, et on ne pas le nier )) Mais l’intérêt est ailleurs, je ne sais pas si vous le saisissez là, sur-le-champ : qui est vraiment cet ag’lidh ledhuyr, le « roi des oiseaux » – rôle qui échoit tantôt au ig’idher « aigle », tantôt au afalku « faucon » (un prince plutôt) et parfois même le petit poucet, le sybus « roitelet » vient bousculer la hiérarchie et prendre les rênes grâce à sa sagesse inégalable (un vrai manager !) –  dans les fables méditerranéennes de Kabylie ? Sur le coup, j’ai une short-list fin prête : archange, archange Gabriel, Alexandre le Grand et… une lettre (la dernière ?) de l’alphabet, mais lequel ?

https://isefranatzik.files.wordpress.com/2015/03/img_2630.png?w=631&h=773&crop=1

C’était le grain punique, lointain ancêtre du grain magique kabyle (littéralement le « grain parlant » en kabyle). Ceci est un modeste hommage à l’icône parlante du patrimoine immatériel kabyle, la regrettée Nna Taos Amrouche, adh phellas yaafu Rebbi.

A prochainement !