Parfois on se heurte à un mur, ce sont des choses qui arrivent dans la vie :) Que faire alors en pareil cas pour avancer ? S’inventer un nouvel outil pour escalader ce mur ou le traverser carrément en allant vite comme pour le mur du son. Comment ? Par exemple, voir en la « table kabyle » une table ronde, d’abord, puis un tamis, et enfin un instrument de musique) et en faire un supersonique. Une aventure pas comme les autres nous attend aujourd’hui…
Le mur en question est le gad (rempart, mur) en phénicien (punique nordaf), que l’on retrouve en abondance en kabyle et en berbère dans agadhir (grenier, forteresse), ig’idher (aigle), wada (le bas), kath-weth (battre), awedh (atteindre, arriver à terme, mûrir), voire même dans GD ugadh (avoir peur, peur), de agadh, thaghat (caprin, chèvre). A un moment donné, je me suis dit que ce rempart phénicien nordaf ou punico-berbère devrait être en relation avec deux notions rationnelles, scientifiques même : horizon, temps, onde. Par ailleurs, nous savons, grâce aux toponymes Agadir et Cadix, que ce gad (rempart, mur) est du côté du couchant, cap vers l’Ouest donc…
L’astuce pour faire disparaître ce mur, ou pour le comprendre, consiste à saisir la métamorphose d’une seule et même idée, autrement dit de voir dans une image (un mot) un autre personnage (un nom) que celui que tout le monde voit, à première vue évidemment. On tape des mains – on fait donc du bruit, un son – pour faire fuir une nuée d’oiseaux : c’est aussi le principe d’une catapulte ou du tir (à l’arc, au fusil) ! Les oiseaux partent comme une flèche, comme un obus. C’est bon ? Alors on peut désormais entrer dans le vif du sujet.
PANDORA
L’instrument en question est ce qui est appelé communément en kabyle a-mendayer ou a-vendayer, et le bendir en argot nordaf. En réalité, il s’apparente à la bandura (instrument musical) en ukrainien, l’explication se trouvant dans le terme commun : en grec Pandura ou Pandora chez les Romains de l’antiquité (instrument musical à trois cordes). Lire plus sur ce sujet. Le bendir nordaf est soit avec des cordes (2 ou plus), soit sans ; il est utilisé par les hommes comme par les femmes pour différents usages et cérémonies. A vrai dire, c’est un artefact incroyablement évocateur de l’histoire de toute l’humanité et voici pourquoi.
Le bendir (amendayer en kab) est un tambour en peau de chèvre (agad) tendue sur un cadre rond en bois, qui permet de produire des sons et utilisé comme instrument de percussions. Le joueur de bendir peut prendre une toute autre forme, chers amis, et en voici la preuve :
- Archer : le son va naturellement s’apparenter à la flèche, et le suth (son, voix) en kab interfère avec le masri-arabe sawt (son, voix) mais aussi avec sagita (flèche) en latin, la racine punico-berbère GD, KT, WD (agadir, awedh, etc.) conforte l’hypothèse d’une origine punique nordafe de ces termes. Le joueur de bendir (un batteur tout simplement) est comme un tireur (chasseur donc : asegadh en kab avec le gad toujours et sayad (chasseur, seigneur) en masri-arabe : ce serait probablement le God de seigneur en anglois/germaniques), un archer qui tire des flèches, la peau de chèvre (agad) tendue s’apparente à l’arc tendu. L’étymologique officielle dit que Arc serait issu de… l’anglois arrow (flèche) ! Non, il y a d’abord le latin : arrivée (awedh kabyle expliqué plus haut pour « arrivé, terme »), et ensuite le kabyle et le masri-arabe, etc : Rebbi (Seigneur, Dieu). A la fin, on bute tous sur le bon Dieu, voilà le vrai mur !;
- Archer 2 : il me semble qu’il y a relation entre la peau de chèvre (agad) tendue et la peur (ugad), par ex. ugadh Rebbi (Aïe peur de Dieu !) qui sonne comme un appel à la conscience, à la raison en kab ; je soupçonne aussi que cet Archer soit ce qui en masri-arabe est rassul (messager, donc prophète) ;
- Sagittaire : c’est donc logiquement que notre joueur de bendir va s’apparenter au Sagittaire, l’archer, du zodiaque et des constellations. L’intérêt ici est que ce signe serait celui qui borne un cycle (une année), donc on pourrait remonter l’origine de son apparition dans les mythes de hommes suivant une datation astronomique précise ;
- Minotaure : ce monstre fabuleux des mythes grecs anciens, mi-homme mi-taureau, épouserait également cette logique du bendir ou/et du joueur de bendir ; la derbouka, ou peut-être le luth (3oud), va être comparée au centaure, mi-cheval mi-homme. Banalement, les outils de chasse ou les instruments de musique vont nous aider à comprendre des choses relevant d’un domaine plus « sérieux » (calendrier, par exemple). Voir dans le sagittaire un musicien, un fakir charmeur de serpent ou simplement un producteur de sons, c’est le premier pas dans la bonne direction. On reviendra à part sur ce sujet un de ces quatre ;
… (liste non exhaustive)...
Il suffit d’un support sec (en bois jadis, en plastique actuellement) et de tension (peau ou membrane tendue, cordes ou fils tendus) pour avoir des sons, de la voix, des chants, etc. L’homme a été d’abord un chasseur, puis un guerrier (archer), et ensuite seulement un « joueur de bendir », pas forcément un musicien. Les différentes cultures ont gardé les traces de ce chasseur-archer-musicien, ou disons « sagittaire-joueur de bendir » chacune à sa façon selon le degré d’évolution des sociétés respectives.
La culture kabyle a transféré ce personnage de la réalité vers l’imaginaire : le sagittaire-joueur de bendir est depuis longtemps devenu un mythe, il ne fait plus partie de la réalité kabyle. Son nom ? Amghar azemni, traduit comme le « vieux sage », voire « grand oracle ». Il n’existe que dans les mythes kabyles et ce depuis longtemps. La sagesse serait donc… la flèche (sagita en latin), comme la chasse. Un vieux chasseur, voilà ce qu’est le grand sage. Par contre, dans des sociétés plus isolées et moins évoluées, ce joueur de bendir est toujours là, et son nom suivant les contrées est :
Chamane chez les uns (Sibérie, Asie) ;
Sorcier (sociétés traditionnelles amérindiennes, tribus d’Afrique subsaharienne).
C’est leur sagittaire et joueur de bendir, leur grand sorcier et chef de tribu, toujours dans le réel avec un rôle dans leur société, alors que chez nous ce personnage a rejoint les mythes depuis longtemps car simplement notre société est soit plus ancienne, soit plus évoluée, ou les deux à la fois.
Si l’on regarde de l’autre côté, de celui des sociétés techniquement plus évoluées que la société kabyle, càd les sociétés européennes (ex. France), qu’est devenu chez eux cet illustre personnage, le sagittaire et joueur de tambour ? La fonction de « grand sorcier » et « chef de tribu » des temps très anciens, reléguée aux mythes dans la société kabyle, a été transformée en titre de noblesse quasiment chez nos voisins du nord de la Méditerranée :
Le Grand Duc ;
+ Le grand guide, le chef spirituel, le grand timonier.
Il s’agirait très probablement de notion d’Esprit aussi. Le joueur de tambour est un intermédiaire entre les hommes et les dieux ou Dieu, celui qui sait parler les esprits, ou qui communique avec le saint esprit, d’après ce que les hommes ont compris au fur et à mesure de leur évolution. Ainsi, je suppose que les instruments de musique seraient des artefacts très précieux pouvant nous indiquer l’évolution et l’époque de telle ou telle société. Le néanderthalien, brêle antique, a disparu car il n’avait pas l’oreille assez musicale et n’avait pas la présence d’esprit du cro-magnon qui, après une bonne partie de chasse et un bon méchoui, a su recycler les restes de son festin en développant des outils : des jarrets et ligaments il en fit des cordes d’arc et d’instruments de musique, il eut la brillante idée de sécher, tanner la peau de la bête abattue et de la tendre pour en sortir des sons, c’est la dimension spirituelle qui distingue le cro-magnon du néanderthalien. Le cro-magnon avait son mister tambourine, le néanderthalien non probablement, tout est question de transcendance.
Cap vers l’ouest maintenant, vers le Maroc et ses gnawas, musiciens qui pratiquent la transe, donc qlq part la sorcellerie. On dit qu’ils sont des « maures noirs », des soudanais, venus du Soudan. Ils sont noirs de peau, mais je ne pense pas qu’ils soient issus du Soudan, de Guinée peut-être. Ce « soudan » ferait référence au Son (sawt) – peut-être des sons de basse fréquence du guembri – et à la transe (sorcellerie) plus probablement.
Un autre élément permet d’indiquer que le sagittaire et joueur de bendir aurait survécu du côté du couchant (Maroc) même s’il s’est métamorphosé :
- Marabout pour la région saharienne (adepte de sorcellerie light !) ;
- Almoravides ou al-mourabitoune, dits imravdhen (classe sacerdotale) en Kabylie, amrabet (monde spirituel) par opposition au Kabyle (monde temporel). Ces almoravides berbères musulmans auraient été des soldats-moines des ribat. Eh bien, ces ribat, ou la rabita en arabe, voir même le nom de la capitale du royaume marocain Rabat, ne serait peut-être qu’une forme récente, arabisée de ce qui fut jadis en punique et jusqu’à nos jours en berbère… Agadir, un toponyme (comme Cadix d’ailleurs) indiquant toujours le côté du couchant, de l’océan (atlantique). Agherval en kab, gherbal en masri-arabe pour le tamis servant à sasser le couscous n’est pas un tambour comme le bendir même s’il a la même forme, mais il indique aussi le couchant, le Maroc, le Maghreb, l'exil (étranger) : aghrib, maghrib. On y reviendra le moment venu.
Avant d’achever ce billet mené tambour battant, je vais quand même vous « assommer » avec de nouvelles hypothèses que voici :
Les Hespérides (jardin des hespérides) des mythes anciens grecs se situeraient à l’ouest, entre le Maroc et l’Andalousie, entre Agadir et Cadix, et feraient référence à la spiritualité. Pour vous convaincre, je vais faire appel à LA référence : l’Egypte ancienne. Plus exactement au mythe d’Osiris appelé « celui qui est à la tête des occidentaux », traduits par les égyptologues comme « celui qui à la tête des défunts ». No way, folks ! Osiris « celui qui est à la tête des occidentaux » signifierait plus probablement le Chef Spirituel, le Guide spirituel, intermédiaire entre les hommes et Dieu, vicaire de Dieu sur terre, par ex. le chef spirituel ou commandeur des croyants comme le titre des monarches marocains. Le bendir serait-il alors un insigne de pouvoir, spirituel en l'occurrence, qui se serait transformé en sceptre, tiare, etc ? En tout cas, une chose est sûre, c’est Osiris le Grand Duc.
Plus loin encore, le bendir dit amendayer en kabyle, va évoquer le Mangole peut-être mais surtout. … le mandarin (langue chinoise pour faire simple). Les pommes d’or du jardin des hespérides (oranges, tchina en kab et en argot nordaf), la mandarine, ce n’est pas seulement la Chine, tout semble indiquer le couchant (le Maroc, l’Andalousie) et… les langues, les sons (musique) comme maillon intermédiaire entres les hommes (entre eux) et le Divin.
A prochainement !